Page:Gaboriau - Les Gens de bureau, Dentu, 1877.djvu/157

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Dès le premier du mois, il y en a qui disent :

— Allons ! dans vingt-neuf jours nous toucherons !

Toucher !… c’est la fin de l’employé sur cette terre.

Toucher !… Que les deux syllabes de ce mot sont caressantes pour l’oreille du bureaucrate !

Aussi, à l’Équilibre, ne dit-on pas : « le jour de l’émargement, » c’est le terme officiel ; on ne dit pas : « la paie, » comme dans le bâtiment ; on ne dit pas : « la solde ou le prêt, » comme dans l’armée. Non, comme l’ouvrier parisien et comme la grisette, l’employé de l’Équilibre dit :

LA SAINTE TOUCHE

Oh ! Sainte Touche, qu’il est doux de célébrer le jour de votre fête ! Comme il est bon de sentir dans sa poche frétiller vos médailles !

Sainte Touche, venez à mon aide ! dit le pauvre diable qui vient de voir filer sa dernière pièce de cinq francs.

Sainte Touche, secourez-moi ! voici mon pantalon qui s’effrange, mes souliers qui éclatent de rire, et mon chapeau qui rougit, le traître !