Page:Gaboriau - Les Gens de bureau, Dentu, 1877.djvu/304

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— Voilà bien, dit-il, les petites idées d’un employé à deux mille francs !

— Je parle d’après ce que j’ai vu, répondit Romain.

— Eh ! tu n’as rien vu, mon cher. Tu n’as pas franchi l’horizon des bureaux. Tes collègues sont des fainéants, je le sais. Mais regarde un peu au-dessus de toi. À l’Équilibre, le travail sérieux ne commence qu’au chef de bureau, au sous-chef quelquefois par exception. Et plus on monte, plus la besogne devient âpre et difficile.

— Bravo ! dit Caldas, est-ce pour moi que tu poses ? Dis-moi tout de suite que l’état-major fait toute la besogne.

— Tu crois rire, tu as dit la vérité. Tous nos employés supérieurs, dont vous jalousez les gros traitements, sont en réalité moins payés que vous, car ils travaillent dix fois, cent fois davantage. D’abord ils se réservent toutes les affaires véritablement importantes, et les autres, celles qu’ils envoient aux bureaux, ils sont, les trois quarts du temps, obligés de les refaire. Nos directeurs, nos chefs de division veillent une nuit sur trois. Victimes de la centralisation, tout leur passe entre les mains et ils sont responsables de tout. Quant au Ministre, il travaille à lui seul autant que tout le ministère.