Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/107

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Les prisonniers sont-ils seuls ? interrogea-t-il.

— Absolument seuls, la femme d’un côté, l’homme de l’autre… la nuit n’a pas donné… une nuit de Dimanche gras !… c’est surprenant. Il est vrai que votre chasse a été interrompue.

— Vous avez eu un ivrogne, cependant.

— Tiens ! oui… dans le fait… ce matin, au jour… Un pauvre diable qui doit une fameuse chandelle à Gévrol.

Ce mot, ironie involontaire, devait aviver les regrets de Lecoq.

— Une fameuse chandelle, en effet !… approuva-t-il.

— C’est sûr, quoique vous ayez l’air de rire : sans Gévrol, il se faisait écraser.

— Et qu’est-il devenu, cet ivrogne ?…

Le chef de poste haussa les épaules.

— Ah !… dame !… répondit-il, vous m’en demandez trop !… C’était un brave homme, qui avait passé la nuit chez des amis, et que l’air a étourdi quand il est sorti. Il nous a expliqué cela, quand il a été dégrisé, au bout d’une demi-heure. Non, je n’ai jamais vu un homme si vexé. Il en pleurait. Il répétait comme cela : Un père de famille, à mon âge !… c’est honteux !… Qu’est-ce que va dire ma femme !… que penseront les enfants !…

— Il parlait beaucoup de sa femme ?…

— Rien que d’elle… Il doit même nous avoir dit son nom… Eudoxie, Léocadie… un nom dans ce genre-là, toujours. Il croyait, le pauvre bonhomme, qu’il était fautif, et qu’on allait le garder en prison. Il demandait à