Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/108

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envoyer un commissionnaire chez lui. Quand on lui a dit qu’il était libre, j’ai cru qu’il allait devenir fou de plaisir, il nous embrassait les mains… Et il a filé !… Ah ! il ne demandait pas son reste !

La raillerie du hasard continuait.

— Et vous l’avez mis avec le meurtrier ? interrogea Lecoq.

— Comme de juste.

— Ils se sont parlé.

— Parlé !… plus souvent ! Le bonhomme était soûl, je vous le répète, si soûl qu’il n’aurait pas seulement pu dire : pain. Quand on l’a déposé dans le violon, pouf !… il est tombé comme une souche. Dès qu’il s’est éveillé on lui a ouvert… Non, ils ne se sont pas parlé.

Le jeune policier était devenu pensif.

— C’est bien cela, murmura-t-il.

— Vous dites ?…

— Rien.

Lecoq n’avait que faire de communiquer ses réflexions au chef de poste. Elles n’étaient pas précisément gaies…

— Je l’avais compris, pensait-il, cet ivrogne, qui n’est autre que le complice, a autant d’habileté que d’audace et de sang-froid. Pendant que nous suivions ses traces, il nous épiait. Nous nous éloignons, il ose pénétrer dans le cabaret. Puis il vient se faire prendre ici, et grâce à un truc d’une simplicité enfantine, comme tous les trucs qui réussissent, il parvient à parler au meurtrier. Avec quelle perfection il a joué son rôle !… Tous les sergents de ville y ont été pris, eux qui cependant se connaissent