Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/124

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— Ou plutôt, ajouta-t-il, ne tiendrait-il pas la clef de l’énigme ?… Ne voudrait-il pas se priver de mes services ?…

Ce soupçon lui fut si cruel, qu’il rentra précipitamment, espérant tirer quelque lumière de l’attitude du prévenu, et qu’il courut coller son œil au guichet ménagé dans la porte épaisse des « secrets. »

Le meurtrier était couché sur le grabat placé vis-à-vis la porte, la figure tournée du côté du mur, enveloppé jusqu’aux yeux dans la couverture.

Dormait-il ?… Non, car le jeune policier surprit un mouvement singulier. Ce mouvement qu’il ne put s’expliquer l’intrigua ; il appliqua l’oreille au lieu de l’œil, à l’ouverture, et il distingua comme une plainte étouffée !… Plus de doute !… le meurtrier râlait.

— À moi !… cria Lecoq épouvanté, à l’aide !…

Dix gardiens accoururent.

— Qu’y a-t-il ?

— Le prévenu !… là… il se suicide.

On ouvrit, il était temps.

Le misérable avait déchiré une bande de ses vêtements, il l’avait nouée autour de son cou, et se servant en guise de tourniquet d’une cuiller de plomb apportée avec sa pitance, il s’étranglait…

Le médecin de la prison, qu’on envoya chercher, et qui le saigna, déclara que dix minutes encore et c’en était fait, la suffocation étant déjà presque complète.

Quand le meurtrier revint à lui, il promena autour de son cabanon un regard de fou. On eût dit qu’il s’étonnait de se sentir vivant. Puis, une grosse larme jaillit