Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/145

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supériorité de son collègue ? Le jeune policier devina là un dévouement canin qu’il devait payer par cette protection affectueuse du maître pour son premier disciple.

Cependant, il poursuivait sa lecture :

« Monsieur Lecoq, j’étais de faction depuis l’ouverture, quand vers neuf heures trois jeunes gens sont entrés bras dessus bras dessous. Ils avaient la tournure et le genre d’employés de magasin. Tout à coup, j’en vois un qui devient plus blanc que sa chemise, et qui montre aux autres un de nos inconnus de chez la Chupin, en disant : Gustave !…

Aussitôt ses camarades lui mettent la main sur la bouche, en répétant : Vas-tu te taire, fichue bête, de quoi te mêles-tu, veux-tu donc nous faire arriver de la peine ?

Là-dessus ils sortent, et moi je sors derrière eux.

Mais celui qui avait parlé était si ému qu’il ne pouvait plus se traîner, de sorte que les autres l’ont conduit dans un petit caboulot.

J’y suis entré, moi aussi, et c’est là que je vous fais cette lettre, tout en les guignant du coin de l’œil. Le gardien-chef vous remettra ce papier qui vous expliquera mon absence. Vous comprenez que je vais filer ces gaillards-là.

ABS. »

Cette lettre était d’une écriture presque indéchiffrable, les fautes d’orthographe s’entrelaçaient de ligne en ligne, mais elle était claire et précise, et devait éveiller les plus flatteuses espérances.