Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/152

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— Je crois, monsieur, n’avoir pas perdu mon temps.

Et aussitôt, avec une précision rare, avec un bonheur d’expression qui ne fait jamais défaut à qui possède bien son sujet, Lecoq raconta tout ce qu’il avait surpris depuis son départ de la Poivrière.

Il dit les démarches hardies de l’homme qu’il croyait le complice, ses observations à lui sur le meurtrier, ses espérances avortées et ses tentatives. Il dit les dépositions du cocher et de la concierge, il lut la lettre du père Absinthe.

Pour finir, il déposa sur le bureau les quelques pincées de terre qu’il s’était si singulièrement procurées, et à côté une quantité à peu près égale de poussière qu’il était allé ramasser au violon de la place d’Italie.

Puis, quand il eut expliqué quelles raisons l’avaient fait agir, et le parti qu’on pouvait tirer de ses précautions :

— Ah ! vous avez raison ! s’écria M. Segmuller, il se peut que nous ayons là un moyen de déconcerter toutes les dénégations du prévenu… C’est, certes, de votre part, un trait de surprenante sagacité.

Il fallait que ce fût ainsi, car Goguet, le greffier, approuva.

— Saperlote !… murmura-t-il, je n’aurais pas trouvé celle-là, moi !…

Tout en causant, M. Segmuller avait fait disparaître dans un vaste tiroir toutes les pièces de conviction, qui ne devaient apparaître qu’en temps et lieu.

— Maintenant, dit-il, je possède assez d’éléments pour interroger la veuve Chupin. Peut-être en tirerons-nous quelque chose.