Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/155

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riage dans ma commode, et si on veut envoyer quelqu’un…

— Votre âge ?… interrompit le juge.

— Cinquante-quatre ans.

— Votre profession ?…

— Débitante de boissons, à Paris, tout près de la rue du Château-des-Rentiers, à deux pas des fortifications.

Ces questions d’individualité sont le début obligé de tout interrogatoire.

Elles laissent au prévenu et au juge le temps de s’étudier réciproquement, de se tâter pour ainsi dire, avant d’engager la lutte sérieuse, comme deux adversaires qui, sur le point de se battre à l’épée, essaieraient quelques passes avec des fleurets mouchetés.

— Maintenant, poursuivit le juge, occupons-nous de vos antécédents. Vous avez déjà subi plusieurs condamnations ?…

La vieille récidiviste était assez au fait de la procédure criminelle pour n’ignorer pas le mécanisme de ce fameux casier judiciaire, une des merveilles de la justice française, qui rend si difficiles les négations d’identité.

— J’ai eu des malheurs, mon bon juge, pleurnicha-t-elle.

— Oui, et en assez grand nombre. Tout d’abord, vous avez été poursuivie pour recel d’objets volés.

— Mais j’ai été renvoyée plus blanche que neige. Mon pauvre défunt avait été trompé par des camarades.

— Soit. Mais c’est bien vous qui, pendant que votre mari subissait sa peine, avez été condamnée pour vol à