Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/157

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ges, je voudrais donc la perdition de mon propre sang !…

Mais ces lamentations paraissaient ne toucher que très-médiocrement le juge ; elle s’en aperçut, et changeant brusquement de système et de ton, elle entama sa justification.

Elle ne niait rien positivement, mais elle rejetait tout sur le sort, qui n’est pas juste, qui favorise les uns, non les meilleurs souvent, et accable les autres.

Hélas ! elle était de ceux qui n’ont pas de chance, ayant toujours été innocente et persécutée. En cette dernière affaire, par exemple, où était sa faute ? Un triple meurtre avait ensanglanté son cabaret, mais les établissements les plus honnêtes ne sont pas à l’abri d’une catastrophe pareille.

Elle avait eu le temps de réfléchir, dans le silence des « secrets, » elle avait fouillé jusqu’aux derniers replis de sa conscience, et cependant elle en était encore à se demander quels reproches on pouvait raisonnablement lui adresser…

— Je puis vous le dire, interrompit le juge : on vous reproche d’entraver autant qu’il est en vous l’action de la loi…

— Est-il, Dieu !… possible !…

— Et de chercher à égarer la justice. C’est de la complicité, cela, veuve Chupin, prenez-y garde. Quand la police s’est présentée, au moment même du crime, vous avez refusé de répondre.

— J’ai dit tout ce que je savais.

— Eh bien !… il faut me le répéter.

M. Segmuller devait être content. Il avait conduit