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Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/162

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— Décidément, vous n’avez rien à me dire sur ce misérable assassin ?

— Mais ce n’est pas un assassin, mon bon monsieur…

— Que prétendez-vous ?…

— Dame !… il a tué les autres en se défendant. On lui cherchait querelle, il était seul contre trois hommes, il voyait bien qu’il n’avait pas de grâce à attendre de brigands qui…

Elle s’arrêta court, toute interdite, se reprochant sans doute de s’être laissée entraîner, d’avoir eu la langue trop longue.

Elle put espérer, il est vrai, que le juge n’avait rien remarqué.

Un tison venait de rouler du foyer, il avait pris les pincettes et ne semblait préoccupé que du soin de reconstruire artistement l’édifice écroulé de son feu.

— Qui me dira, murmurait-il, entre haut et bas, qui me garantira que ce n’est pas cet homme, au contraire, qui a attaqué les trois autres…

— Moi, déclara carrément la veuve Chupin, moi, qui le jure !…

M. Segmuller se redressa, aussi étonné en apparence que possible.

— Comment pouvez-vous savoir, prononça-t-il, comment pouvez-vous jurer ? Vous étiez dans votre chambre quand la querelle a commencé.

Grave et immobile sur sa chaise, Lecoq jubilait intérieurement. Il trouvait que c’était un joli résultat, et qui promettait, d’avoir, en huit questions, amené cette vieille rouée à se démentir. Il se disait aussi que la preuve de la connivence éclatait. Sans un intérêt secret,