Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/163

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la vieille cabaretière n’eût pas pris si imprudemment la défense du prévenu.

— Après cela, reprit le juge, vous parlez peut-être d’après ce que vous savez du caractère du meurtrier, vous le connaissez vraisemblablement.

— Je ne l’avais jamais vu avant cette soirée-là.

— Mais il était cependant déjà venu dans votre établissement ?

— Jamais de sa vie.

— Oh ! Oh !… comment expliquez-vous alors que, entrant dans la salle du bas, pendant que vous étiez dans votre chambre, cet inconnu, cet étranger se soit mis à crier : « Hé !… la vieille ! » Il devinait donc que l’établissement était tenu par une femme, et que cette femme n’était plus jeune ?

— Il n’a pas crié cela.

— Rappelez vos souvenirs ; c’est vous-même qui venez de me le dire.

— Je n’ai pas dit cela, mon bon monsieur.

— Si… et on va vous le prouver, en vous relisant votre interrogatoire… Goguet, lisez, s’il vous plaît.

Le souriant greffier eut promptement trouvé le passage, et de sa meilleure voix il lut la phrase textuelle de la Chupin :

«… J’étais en haut depuis une demi-heure, quand d’en bas on se met à m’appeler : « Hé !… la vieille ! » Je descends, etc., etc. »

— Vous voyez bien ! insista M. Segmuller.

L’assurance de la vieille récidiviste fut sensiblement diminuée par cet échec. Mais loin d’insister, le juge