Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/169

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quand même, toujours, et elles pleurent. Quand, au prochain interrogatoire, je pousserai la Chupin, soyez sûr qu’elle trouvera des larmes…

Dans son impatience, il frappa du pied. Il avait beau fouiller l’arsenal de ses moyens d’action, il n’y trouvait pas une arme pour briser cette résistance opiniâtre.

— Si seulement j’avais idée du mobile qui guide cette vieille femme, reprit-il. Mais pas un indice ! Qui me dira quel puissant intérêt lui commande le silence !… Serait-ce sa cause qu’elle défend ?… Est-elle complice ? Qui nous prouve qu’elle n’a pas aidé le meurtrier à combiner un guet-apens ?

— Oui, répondit lentement Lecoq, oui, cette supposition se présente naturellement à l’esprit. Mais l’accueillir, n’est-ce pas rejeter les prémices admises par monsieur le juge ?… Si la Chupin est complice, le meurtrier n’est pas le personnage que nous soupçonnons, il est simplement l’homme qu’il paraît être.

L’objection sembla convaincre M. Segmuller.

— Quoi, alors, s’écria-t-il, quoi !…

L’opinion du jeune policier était faite. Mais pouvait-il décider, lui, l’humble agent de la sûreté, quand un magistrat hésitait ?

Il comprit combien sa position lui imposait de réserve, et c’est du ton le plus modeste qu’il dit :

— Pourquoi le faux ivrogne n’aurait-il pas ébloui la Chupin en faisant briller à ses yeux les plus magnifiques espérances ? Pourquoi ne lui aurait-il pas promis de l’argent, une grosse somme ?…

Il s’interrompit, le greffier rentrait. Derrière lui s’avançait un garde de Paris qui demeura respectueuse-