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Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/191

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— Sur quel navire devait-il prendre passage ?

— Il ne me l’a pas dit.

— Où vous êtes vous quittés ?

— À Leipzig, en Saxe…

— Quand ?

— Vendredi dernier.

M. Segmuller haussa dédaigneusement les épaules…

— Vous étiez à Leipzig vendredi, vous ?… fit-il. Depuis quand donc êtes-vous à Paris ?

— Depuis dimanche, à quatre heures du soir.

— Voilà ce qu’il faudrait prouver.

À la contraction du visage du meurtrier, on dut supposer un puissant effort de mémoire. Pendant près d’une minute, il parut chercher, interrogeant de l’œil le plafond et le sol alternativement, se grattant la tête, frappant du pied.

— Comment prouver, murmurait-il, comment ?…

Le juge se lassa d’attendre.

— Je vais vous aider, dit-il. Les gens de l’auberge où vous étiez logés à Leipzig ont dû vous remarquer ?…

— Nous ne sommes pas descendus à l’auberge.

— Où donc avez-vous mangé, couché ?…

— Dans la grande voiture de M. Simpson, elle était vendue, mais il ne devait la livrer qu’au port où il s’embarquait.

— Quel est ce port ?…

— Je l’ignore.

Moins habitué que le juge à garder le secret de ses impressions, Lecoq ne put s’empêcher de se frotter les mains. Il voyait son prévenu convaincu de mensonge, « collé au mur, » selon son expression.