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II


L’agent auquel Gévrol abandonnait une information qu’il jugeait inutile, était un débutant dans « la partie. »

Il s’appelait Lecoq.

C’était un garçon de vingt-cinq à vingt-six ans, presque imberbe, pâle, avec la lèvre rouge et d’abondants cheveux noirs ondés. Il était un peu petit, mais bien pris, et ses moindres mouvements trahissaient une vigueur peu commune.

En lui, d’ailleurs, rien de remarquable, sinon l’œil, qui selon sa volonté, étincelait ou s’éteignait comme le feu d’un phare à éclipses, et le nez, dont les ailes larges et charnues avaient une surprenante mobilité.

Fils d’une riche et honorable famille de Normandie, Lecoq avait reçu une bonne et solide éducation.

Il commençait son droit à Paris, quand dans la même semaine, coup sur coup, il apprit que son père, complètement ruiné, venait de mourir, et que sa mère ne lui avait survécu que quelques heures.

Désormais il était seul au monde, sans ressources…, et il fallait vivre. Il put apprécier sa juste valeur ; elle était nulle.

L’Université, avec le diplôme de bachelier, ne donne pas de brevet de rentes viagères. C’est une lacune. À quoi servait à l’orphelin sa science du lycée ?