Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/265

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vous n’avez pas eu un regard pour votre enfant qu’elle vous tendait… pourquoi ?

— Ce n’était pas le moment de penser au sentiment.

— Vous mentez. Vous vouliez simplement la bien fixer pendant que vous lui dictiez sa déposition.

— Moi !… je lui ai dicté sa déposition ?…

— Sans cette supposition, les paroles que vous avez prononcées seraient inintelligibles.

— Quelles paroles ?…

Le juge se retourna vers son greffier.

— Goguet, dit-il, relisez au témoin sa dernière phrase.

Le greffier, de sa voix monotone, lut :

« J’en voudrais à la mort à qui dirait que je connais Lacheneur. »

— Eh bien !… insista M. Segmuller, qu’est-ce que cela signifie ?

— C’est bien facile à comprendre, m’sieu.

M. Segmuller s’était levé, enveloppant Polyte d’un de ces regards de juge, qui, selon l’expression d’un prévenu, « font grouiller la vérité dans les entrailles. »

— Assez de mensonges, interrompit-il. Vous commandiez le silence à votre femme, voilà le fait. À quoi bon ? et que peut-elle nous apprendre ? Pensez-vous donc que la police ne sait pas vos relations avec Lacheneur, vos entretiens, quand il vous attendait en voiture près des terrains vagues, les espérances de fortune que vous fondiez sur lui ?… Croyez-moi, décidez-vous à des aveux, pendant qu’il en est temps encore, ne vous engagez pas dans une voie au bout de laquelle est un péril sérieux. On est complice de plus d’une façon !

Il est certain que l’impudence de Polyte reçut un rude