Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/269

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ont été interrogés et ce qu’ils ont répondu, il ne sait. Et il en est réduit à se demander, dans l’effroi de son âme, jusqu’à quel point il est compromis, quels indices ont été recueillis, quelles charges accablantes sont près de l’écraser.

Voilà pour le prévenu.

Eh bien !… en dépit de cette terrible disproportion d’armes des deux adversaires, parfois l’homme au secret l’emporte.

S’il est bien sûr de n’avoir laissé derrière lui aucune preuve du crime, s’il n’a pas d’antécédents qui se lèvent contre lui, il peut, inexpugnable dans un système de négation absolue, braver tous les efforts de la justice.

Telle était, en ce moment, la situation de Mai, le mystérieux meurtrier.

M. Segmuller et Lecoq se l’avouaient avec une douleur mêlée de dépit.

Ils avaient pu, ils avaient dû espérer que Polyte Chupin ou sa femme donneraient le mot de l’irritant problème… cette espérance s’envolait.

Le système du soi-disant artiste « bonisseur » sortait intact de cette épreuve si périlleuse, et plus que jamais son identité demeurait problématique.

— Et cependant, s’écria le juge avec un geste désolé, et cependant ces gens-là savent quelque chose, et s’ils voulaient…

— Ils ne voudront pas.

— Pourquoi ? Quel intérêt les guide ? Ah ! c’est là, ce qu’il faudrait découvrir. Qui nous dira par quelles éblouissantes promesses on a pu s’assurer du silence d’un misérable tel que Polyte Chupin ? Sur quelle récompense