Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/270

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compte-t-il donc, qu’il brave, en se taisant, un véritable danger ?…

Lecoq ne répondit pas. La contraction de ses sourcils trahissait le prodigieux effort de sa réflexion.

— Il est une question, monsieur, dit-il enfin, qui m’embarrasse plus que toutes celles-là ensemble, et qui, si elle était résolue, nous ferait faire un grand pas.

— Laquelle ?

— Vous vous demandez, monsieur, ce qu’on a promis à Chupin ?… Moi je me demande qui lui a promis quelque chose ?

— Qui ?… Le complice, évidemment, cet artisan insaisissable des intrigues qui nous enveloppent.

À cet hommage rendu à une audace et à une habileté trop réelles, le jeune policier serra les poings. Ah ! il lui en voulait terriblement, à ce complice, qui, ruelle de la Butte-aux-Cailles, avait fait la police prisonnière. Il ne lui pardonnait pas d’avoir osé, lui gibier, prendre le rôle de chasseur.

— Certes, répondit-il, je reconnais sa main. Mais quel artifice a-t-il imaginé cette fois ? Qu’il se soit entendu au poste avec la veuve Chupin, rien de mieux, nous savons le moyen. Mais comment s’y est-il pris pour arriver jusqu’à Polyte, prisonnier, et étroitement surveillé ?

Il ne disait pas toute sa pensée, il l’atténuait, et cependant M. Segmuller eut un soubresaut, en homme que surprend une proposition un peu forte.

— Que me dites-vous là !… fit-il. Quoi ! vous pensez qu’un des employés de la prison s’est laissé corrompre ?

Lecoq hocha la tête d’un air passablement équivoque.

— Je ne crois rien, répondit-il, je ne soupçonne per-