Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/293

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Ne connaîtriez-vous pas un acteur nommé Lacheneur ?

Partout il recueillit des non unanimes, enjolivés de plaisanteries de coulisses. Assez souvent on ajoutait :

— Comment est-il votre artiste ?…

Voilà justement ce qu’il ne pouvait dire. Tous ses renseignements se bornaient à la phrase de Toinon-la-Vertu : « Je lui ai trouvé l’air d’un monsieur bien respectable ! » Ce n’est pas un signalement, cela. Et d’ailleurs restait à savoir ce que la femme de Polyte Chupin entendait par ce qualificatif : « respectable » L’appliquait-elle à l’âge ou aux dehors de la fortune ?

D’autres fois, on demandait :

— Quels rôles joue-t-il, votre comédien ?

Et le jeune policier se taisait, car il l’ignorait. Ce qu’il ne pouvait dire, ce qui était vrai, c’est que Lacheneur, en ce moment, jouait un rôle à le faire mourir de chagrin, lui, Lecoq.

En désespoir de cause, il eut recours à un moyen d’investigation qui est le grand cheval de bataille de la police quand elle est en peine de quelque personnage problématique, moyen banal qui réussit toujours parce qu’il est excellent.

Il résolut de dépouiller tous les livres de police des hôteliers et des logeurs.

Levé avant l’aube, couché bien après, il épuisait ses journées à visiter toutes les maisons meublées, tous les hôtels, tous les garnis de Paris.

Courses vaines. Pas une seule fois il ne rencontra ce nom de Lacheneur qui hantait obstinément son cerveau. Existait-il, ce nom ? N’était-ce pas un pseudonyme com-