Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/292

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policier, et cependant ils se figèrent dans sa mémoire.

— C’est bizarre, pensait-il, en regagnant son logis, de tous côtés, dans cette affaire, je me heurte à l’Allemagne. Le meurtrier prétend venir de Leipzig, Mme Milner doit être bavaroise, voici maintenant une baronne autrichienne.

Il était trop tard, ce soir-là, pour rien entreprendre ; le jeune policier se coucha, mais le lendemain, à la première heure, il reprenait avec une ardeur nouvelle ses investigations.

Une seule chance de succès semblait lui rester désormais : la lettre signée Lacheneur, trouvée dans la poche du faux soldat.

Cette lettre, l’entête à demi effacé le prouvait, avait été écrite dans un café du boulevard Beaumarchais.

Découvrir dans lequel était un jeu d’enfant.

Le quatrième limonadier à qui Lecoq exhiba cette lettre reconnut parfaitement son papier et son encre.

Mais ni lui, ni sa femme, ni la demoiselle de comptoir, ni les garçons, ni aucun des habitués questionnés habilement l’un après l’autre, n’avaient entendu, de leur vie, articuler les trois syllabes de ce nom : Lacheneur.

Que faire, que tenter ?… Tout était-il donc absolument désespéré ? Pas encore.

Le soldat mourant n’avait-il pas déclaré que ce brigand de Lacheneur était un ancien comédien ?…

Se raccrochant à cette faible indication comme l’homme qui se noie à la plus mince planche, le jeune policier reprit sa course, et de théâtre en théâtre, il s’en alla demandant à tout le monde, aux portiers, aux secrétaires, aux artistes :