Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/296

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C’est que les efforts de M. Segmuller, et Dieu sait s’il s’était épargné, n’avaient pas eu un succès meilleur que ceux de Lecoq.

Interrogatoires multipliés, confrontations habilement ménagées, questions captieuses, insinuations, menaces, promesses, tout s’était brisé contre cette force invincible, la plus puissante dont l’homme dispose, la force d’inertie.

Un même esprit semblait animer la veuve Chupin et Polyte, Toinon-la-Vertu et Mme Milner, la maîtresse de l’hôtel de Mariembourg.

Il ressortait clairement des dépositions que tous ces témoins avaient reçu les confidences du complice et qu’ils obéissaient à la même politique savante : mais que servait cette certitude !

L’attitude de tous ces gens conjurés pour jouer la justice ne variait pas. Il arrivait parfois que leurs regards démentaient leurs dénégations, on ne cessait de lire dans leurs yeux l’inébranlable résolution de taire la vérité.

Il y avait des moments où ce juge, le meilleur des hommes cependant, écrasé par le sentiment de l’insuffisance d’armes purement morales, se prenait à regretter l’arsenal de l’inquisition.

Oui, en présence de ces allégations dont l’impudence arrivait à l’insulte, il comprenait les barbaries des juges du moyen âge, les coins qui brisaient les muscles des patients, les tenailles rougies, la question de l’eau, toutes ces épouvantables tortures qui arrachaient la vérité avec la chair.

Le meurtrier, lui aussi, s’était tenu, et même chaque