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Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/298

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Grâce à l’argent trouvé sur lui et déposé au greffe, il s’accordait de ces petites douceurs qu’on ne refuse jamais à des prévenus, lesquels, en définitive, quelles que soient les charges qui pèsent sur eux, peuvent être considérés comme innocents tant que le jury n’a pas prononcé.

Pour se distraire, il avait demandé et on lui avait donné un volume de chansons de Béranger, et il passait ses journées à en apprendre par cœur ; il les chantait à pleine voix et avec assez de goût.

C’était, prétendait-il, un talent qu’il se donnait là, et qui ne manquerait pas de lui servir quand on lui rendrait la clef des champs.

Car il ne doutait pas, affirmait-il, de son acquittement.

Il s’inquiétait de l’époque du jugement, du résultat, non.

S’il était pris de tristesses, c’était quand il parlait de sa profession. Il avait la nostalgie du tréteau. Il pleurait presque en songeant à son costume bariolé de pitre, à son public, à ses boniments accompagnés par les musiques enragées de la foire.

Jamais d’ailleurs, on ne vit détenu plus ouvert, plus communicatif, plus soumis, meilleur enfant.

C’est avec un empressement marqué qu’il recherchait toutes les occasions de babiller. Il aimait à raconter sa vie, ses aventures, ses courses vagabondes à travers l’Europe, à la suite de M. Simpson, le montreur de phénomènes.

Ayant beaucoup vu, il avait beaucoup retenu, et il possédait un inépuisable fonds de bons contes et de sail-