Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/308

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— Peut-être rien, répondait Lecoq, peut-être quelque chose de bien grave…

Et onze heures sonnant peu après, il entonna la chanson du prévenu :

Sous Diogène,
Sous ton manteau…

Il venait d’entamer le second couplet, quand une boulette de mie de pain de la grosseur d’une balle, adroitement lancée par dessus la hotte de la fenêtre, vint rouler à ses pieds.

La foudre tombant dans la cellule de Mai n’eût pas terrifié le directeur autant que cet inoffensif projectile.

Il demeura stupide d’étonnement, la bouche béante, les yeux écarquillés, comme s’il eût douté du témoignage de ses sens.

Quelle disgrâce ! L’instant d’avant il eût répondu sur sa tête chauve de l’inviolabilité des secrets. Il vit sa prison déshonorée, bafouée, ridiculisée…

— Un billet, répétait-il d’un air consterné, un billet !…

Prompt comme l’éclair, Lecoq avait ramassé ce message et il le retournait triomphalement entre ses doigts.

— J’avais bien dit, murmurait-il, que nos gens s’entendaient !

Cette joie du jeune policier devait changer en furie la stupeur du directeur.

— Ah !… mes détenus s’écrivent !… s’écria-t-il bégayant de colère. Ah ! mes surveillants font l’office de facteurs ! Par le saint nom de Dieu !… cela ne se passera pas ainsi !