Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/310

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— J’ai prévenu M. Segmuller, déclara-t-il, qu’il y aurait sans doute du nouveau ce matin, et il doit m’attendre à son cabinet. C’est bien le moins que je lui réserve le plaisir de briser cette enveloppe.

Le directeur du Dépôt eut un geste désolé. Ah ! il eût donné bonne chose pour tenir cet incident secret ; mais il n’y fallait seulement pas penser.

— Allons donc trouver le juge d’instruction, dit-il, allons…

Ils partirent, et tout le long du chemin Lecoq s’efforça de démontrer à ce digne fonctionnaire qu’il avait bien tort de s’affecter d’une circonstance qui était pour l’instruction un vrai coup de partie. S’était-il donc, jusqu’à ce moment, supposé plus habile que ses détenus ? Quelle illusion ! Est-ce que l’ingéniosité du prisonnier n’a pas toujours défié et ne défiera pas toujours la finesse du surveillant ?…

Mais ils arrivaient, et à leur vue M. Segmuller et son greffier se levèrent d’un bond. Ils avaient lu, sur le visage du jeune policier, une grande nouvelle.

— Qu’est-ce ? demanda le juge d’un ton ému.

Lecoq, pour toute réponse, déposa sur le bureau la précieuse mie de pain, et un regard le paya de l’attention qu’il avait eue de ne la pas ouvrir.

Elle contenait une petite boulette de ce mince papier qu’on appelle du papier pelure d’oignon.

M. Segmuller le déplia et le lissa sur la paume de sa main. Mais dès qu’il y jeta les yeux, ses sourcils se froncèrent.

— Ah !… ce billet est écrit en chiffres, fit-il, en ébranlant son bureau d’un violent coup de poing.