Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/312

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Lecoq. Le prévenu et son complice ont, si je ne m’abuse, employé le système du double livre. Ce système est simple :

Les correspondants conviennent tout d’abord de se servir d’un livre quelconque, et ils s’en procurent chacun un exemplaire de la même édition.

Que fait alors celui qui veut donner de ses nouvelles ?

Il ouvre le livre au hasard et commence par écrire le numéro de la page.

Il n’a plus ensuite qu’à chercher dans cette page des mots qui traduisent sa pensée. Si le premier mot qu’il utilise est le vingtième de la page, il écrit le chiffre 20, et il recommence à compter un, deux, trois, jusqu’à ce qu’il trouve un mot qui lui convienne. Si ce mot arrive le sixième, il écrit le chiffre 6, et il continue jusqu’à ce qu’il ait ainsi traduit tout ce qu’il avait à dire.

Vous voyez maintenant ce qu’a à faire le correspondant qui reçoit un tel billet. Il cherche la page indiquée, et pour chaque chiffre il a un mot…

— Impossible d’être plus clair, approuva le juge.

— Si ce billet que je tiens là, poursuivit Lecoq, avait été échangé entre deux personnes libres, essayer de le traduire serait folie. Ce système si simple est le seul qui déjoue les efforts de la curiosité, parce qu’il n’est pas de pénétration capable de deviner le livre convenu.

Mais ici tel n’est pas le cas. Mai est prisonnier, et il n’a qu’un volume en sa possession : les chansons de Béranger. Allons chercher ce livre…

Positivement, le directeur était enthousiasmé.

— Je cours le quérir moi-même, interrompit-il.

Mais le jeune policier le retint d’un geste.