Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/313

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— Et surtout, lui recommanda-t-il, prenez bien vos précautions, monsieur, pour que Mai ne s’aperçoive pas qu’on a touché à ses chansons. S’il est rentré de la promenade, faites-le ressortir sous un prétexte quelconque… Et, de plus, qu’il reste dehors tant que nous nous servirons de son chansonnier…

— Oh !… fiez-vous à moi, répondit le directeur.

Il sortit, et telle fut sa hâte, que, moins d’un quart d’heure plus tard, il reparaissait agitant triomphalement un petit volume in-32.

D’une main tremblante, le jeune policier l’ouvrit à la page 235, et commença à compter.

Le 15e mot de la page était : je ; le 3e après était le mot : lui ; le 8e ensuite : ai ; le 25 : dit ; le 2e : votre ; le 16e : volonté

Ainsi, avec ces six chiffres seulement, on trouvait un sens :

« Je lui ai dit votre volonté… »

Les trois personnes qui assistaient à cette émouvante expérience ne purent s’empêcher d’applaudir.

— Bravo Lecoq !… dit le juge.

— Je ne parierais plus cent sous pour Mai, pensa le greffier.

Mais Lecoq comptait toujours, et bientôt, d’une voix que faisait trembler la vanité heureuse, il put donner la traduction du billet entier. Voici ce qu’on écrivait au prévenu :

« Je lui ai dit votre volonté, elle se résigne. Notre sécurité est assurée, nous attendons vos ordres pour agir. Espoir ! Courage !… »