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Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/32

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— Pour commencer, interrogea-t-il, qu’est-ce, à votre avis, que cet individu que nous avons arrêté ?

— Un déchargeur de bateaux, probablement, ou un ravageur.

— C’est-à-dire un homme appartenant aux plus humbles conditions de la société, n’ayant en conséquence reçu aucune éducation.

— Justement.

C’est les yeux sur les yeux de son compagnon, que Lecoq parlait. Il se défiait de soi comme tous les gens d’un mérite réel, et il s’était dit que s’il réussissait à faire pénétrer ses convictions dans l’esprit obtus de ce vieil entêté, il serait assuré de leur justesse.

— Eh bien !… continua-t-il, que me répondrez-vous si je vous prouve que cet individu a reçu une éducation distinguée, raffinée même ?…

— Je répondrai que c’est bien extraordinaire, je répondrai… mais bête que je suis, tu ne me prouveras jamais cela.

— Si, et très-facilement. Vous souvenez-vous des paroles qu’il a prononcées en tombant, quand je l’ai poussé ?

— Je les ai encore dans l’oreille. Il a dit : « C’est les Prussiens qui arrivent ! »

— Vous doutez-vous de ce qu’il voulait dire ?

— Quelle question !… J’ai bien compris qu’il n’aime pas les Prussiens et qu’il a cru nous adresser une grosse injure.

Lecoq attendait cette réponse.

— Eh bien !… père Absinthe, déclara-t-il gravement, vous n’y êtes pas, oh ! mais là, pas du tout. Et la preuve