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Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/33

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que cet homme a une éducation bien supérieure à sa condition apparente, c’est que vous, un vieux roué, vous n’avez saisi ni son intention, ni sa pensée. C’est cette phrase qui a été pour moi le trait de lumière.

La physionomie du père Absinthe exprimait cette étrange et comique perplexité de l’homme qui, flairant une mystification, se demande s’il doit rire ou se fâcher. Réflexions faites, il se fâcha.

— Tu es un peu jeune, commença-t-il, pour faire poser un vieux comme moi. Je n’aime pas beaucoup les blagueurs….

— Un instant !… interrompit Lecoq, je m’explique. Vous n’êtes pas sans avoir entendu parler d’une terrible bataille qui a été un des plus affreux désastres de la France, la bataille de Waterloo ?….

— Je ne vois pas quel rapport….

— Répondez toujours.

— Alors… oui !

— Bien ! Vous devez, en ce cas, papa, savoir que la victoire pencha d’abord du côté de la France. Les Anglais commençaient à faiblir, et déjà l’Empereur s’écriait : « Nous les tenons ! » quand, tout à coup, sur la droite, un peu en arrière, on découvrit des troupes qui s’avançaient. C’était l’armée Prussienne. La bataille de Waterloo était perdue !

De sa vie, le digne Absinthe n’avait fait d’aussi grands efforts de compréhension. Ils ne furent pas inutiles, car il se dressa à demi, et du ton dont Archimède dut crier : « J’ai trouvé ! » il s’écria :

— J’y suis !… Les paroles de l’homme étaient une allusion.