Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/334

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nité blessée, après la première explosion de sa colère, revenait à son calme accoutumé.

— Je suppose, dit-il à Lecoq, que vous avez réfléchi au stratagème à employer pour lâcher le prévenu sans que la connivence de l’administration éclate.

— Je n’y ai pas pensé une minute, monsieur, je l’avoue. À quoi bon, d’ailleurs ! Cet homme sait trop de quels soupçons et de quelle surveillance inquiète il est l’objet, pour ne se pas tenir sur le qui-vive. Si ingénieusement que je m’y prenne pour lui ménager une occasion de filer, il reconnaîtra ma main et se défiera. Le plus court et le plus sûr est de lui laisser tout bonnement la porte ouverte…

— Peut-être avez-vous raison ?…

— Seulement, il est une précaution que je crois nécessaire, indispensable, qui me paraît une condition essentielle du succès…

Le jeune policier paraissait chercher si péniblement ses mots, que le juge crut devoir l’aider.

— Voyons cette précaution ? fit-il.

— Elle consisterait, monsieur, à donner l’ordre de transférer Mai dans une autre prison… Oh ! n’importe laquelle, à votre choix.

— Pourquoi, s’il vous plaît ?

— Parce que, monsieur, je voudrais que durant les quelques jours qui précéderont son évasion, Mai fût mis dans l’impossibilité absolue de donner de ses nouvelles au dehors, de prévenir son insaisissable complice…

La proposition parut étrangement surprendre M. Segmuller.

— Vous l’estimez donc mal gardé au Dépôt ? fit-il.