Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/355

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jets… Il s’agit de les empêcher de se rejoindre. Tout est là !

Combien il se réjouissait alors d’avoir obtenu que Mai fût éloigné du Dépôt. Son triomphe, en admettant qu’il gagnât la partie, résulterait de cet acte de défiance. Il était à croire que la tentative du complice avait eu lieu précisément la veille du jour où le prévenu avait été changé de prison. Cette supposition expliquait comment il n’avait pu être averti…

Cependant, de flèche en flèche, le jeune policier était arrivé jusqu’à l’Odéon. Là, plus de signes, mais il aperçut le père Absinthe sous la galerie.

Le vieil agent de la sûreté était debout devant l’étalage d’un libraire, et il paraissait donner toute son attention aux gravures d’un journal illustré.

Le jeune policier, tout en outrant la démarche nonchalante de ces garnements de Paris dont il portait le costume, alla se placer près de son collègue.

— Eh bien !… lui demanda-t-il, et Mai ?…

— Il est là, répondit le bonhomme, en désignant du regard le péristyle du triste monument.

En effet, le prévenu était assis sur une marche de l’escalier de pierre, les coudes appuyés sur les genoux, le visage caché entre ses mains, comme s’il eût senti la nécessité de dérober aux passants l’expression de son désespoir.

Sans doute, en ce moment, il se voyait perdu. Seul, sans un sou, au milieu de Paris, que devenir ?

Il se savait, assurément, surveillé, épié, suivi pas à pas, et il ne comprenait que trop qu’au moindre effort pour rejoindre son complice, à la première démarche