Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/370

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

corps, ménageant son haleine, cadençant son pas avec la précision d’un professeur de gymnastique.

Rien ne l’arrêtait, il ne détournait pas la tête, il courait…

Et c’est du même train égal et furieux, qu’il descendit le boulevard de Sébastopol, qu’il traversa la place du Châtelet et les ponts, et qu’il remonta le boulevard Saint-Michel.

Près du musée de Cluny, des fiacres stationnaient. Mai s’arrêta devant la première file, adressa quelques mots au cocher, et monta du côté de la chaussée.

Le fiacre aussitôt partit à fond de train.

Mais le prévenu n’était pas dedans. Il n’avait fait que le traverser, et pendant que le cocher s’éloignait pour une course imaginaire payée à l’avance, Mai se glissait du côté du trottoir cette fois dans une voiture qui quitta la station au galop.

Peut-être, après tant de ruses, après un formidable effort, après ce dernier stratagème, peut-être Mai se croyait-il libre… Il se trompait.

Derrière le fiacre qui l’emportait, s’appuyant aux ressorts pour se délasser, un homme courait… Lecoq.

Le pauvre père Absinthe, lui, était tombé à moitié chemin, devant le Palais-de-Justice, épuisé, hors d’haleine. Et le jeune policier ne comptait plus guère le revoir, ayant eu assez à faire de se maintenir, sans crayonner des flèches indicatrices.

Mai avait donné à son cocher l’ordre de le conduire à la place d’Italie, et lui avait surtout recommandé de s’arrêter court au beau milieu de la place, à cent pas de ce poste où il avait été enfermé avec la veuve Chupin.