Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/372

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de puissante carrure, au teint enflammé, à favoris grisonnants.

— Le complice !… murmura le père Absinthe.

Était-ce donc, enfin, l’insaisissable complice du meurtrier ?…

Se fier à un vague rapport entre deux signalements est si téméraire et expose à tant de bévues, qu’en toute autre occasion Lecoq eût hésité à se prononcer.

Mais ici, tant de circonstances, de probabilités si fortes étayaient l’opinion émise par le père Absinthe, que le jeune policier l’admit tout d’abord.

Ce rendez-vous n’était-il pas dans la logique des événements, le résultat prévu et annoncé de la rencontre fortuite du prévenu et de la blonde maîtresse de l’hôtel de Mariembourg !…

— Mai, pensait Lecoq, a commencé par prendre tout l’argent que Mme Milner avait sur elle ; il l’a ensuite chargée de dire à son complice de venir l’attendre dans quelque bouge de ce quartier. S’il a hésité et cherché, c’est qu’il n’avait pu indiquer au juste le cabaret. S’ils ne jettent pas le masque, c’est que Mai n’est pas bien sûr de nous avoir dépistés, et que d’un autre côté le complice craint qu’on n’ait suivi Mme Milner.

Le complice, si c’était véritablement lui, avait eu recours à un travestissement du genre de ceux adoptés par Mai et par Lecoq. Il portait une vieille blouse toute maculée, et avait sur la tête un feutre mou hideux, une loque de feutre. Il avait outré. Sa physionomie peu rassurante était à remarquer parmi toutes les figures louches ou farouches de l’établissement.

Car c’était un repaire qu’ils avaient choisi pour leur