Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/376

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le père Absinthe garda le silence ; les deux compagnons émergeaient de l’ombre du corridor. Mai faisait sauter dans le creux de sa main quelques pièces de vingt sous, et il paraissait d’une humeur massacrante.

— Quels filous !… grommelait-il, que ces receleurs.

Si peu qu’on lui eût acheté ses vêtements, l’obligeance de l’homme au feutre valait une politesse. Mai lui proposa un verre de n’importe quoi et ils entrèrent ensemble chez un liquoriste.

Ils y restèrent bien une heure, jouant des tournées au tourniquet ; et quand ils le quittèrent, ce fut pour aller s’installer cent pas plus loin chez un marchand de vins.

Mis dehors par ce marchand de vins qui fermait sa boutique, les deux bons compagnons se réfugièrent dans un débit resté ouvert. On les en chassa ; ils coururent à un autre, puis à un autre…

Et ainsi, de bouteilles en petits verres, ils atteignirent sur les une heure du matin, la place Saint-Michel.

Mais là, par exemple, plus rien à boire. Tout était clos.

Les deux hommes alors se consultèrent, et après une courte discussion, ils se dirigèrent vers le faubourg Saint-Germain, bras dessus, bras dessous comme une paire d’amis.

L’alcool qu’ils avaient absorbé en notable quantité semblait produire son effet. Ils titubaient, ils gesticulaient, ils parlaient très-haut et tous deux à la fois.

À tous risques, Lecoq les devança pour tâcher de saisir quelques bribes de leur conversation, et les mots de « bon coup à faire » et de « argent pour faire la noce » arrivèrent jusqu’à lui.

Décidément, pour s’obstiner à voir deux « personna-