Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/40

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— Un véritable outil de filou, fit le père Absinthe avec un gros rire.

L’outil était commode, en tout cas, les deux agents le reconnurent lorsque, de retour au jardin, ils recommencèrent méthodiquement leurs investigations.

Ils s’avancèrent un peu avec des précautions infinies.

Le vieil agent, debout, dirigeait au bon endroit la lumière de la lanterne, et Lecoq, à genoux, étudiait les empreintes avec l’attention d’un chiromancien s’efforçant de lire l’avenir dans la main d’un riche client.

Un nouvel examen assura Lecoq qu’il avait bien vu. Il était évident que deux femmes avaient quitté la Poivrière par cette issue. Elles étaient sorties en courant, cette certitude résultait de la largeur des enjambées, et aussi de la disposition des empreintes.

La différence des traces laissées par les deux fugitives était d’ailleurs si remarquable, qu’elle sauta aux yeux du père Absinthe.

— Cristi !… murmura-t-il, une de ces gaillardes peut se vanter d’avoir un joli pied au bout de la jambe.

Il avait raison. L’une des pistes trahissait un pied mignon, coquet, étroit, emprisonné dans d’élégantes bottines, hautes de talon, fines de semelles, cambrées outre mesure.

L’autre dénonçait un gros pied, court, qui allait en s’élargissant vers le bout, chaussé de solides souliers très-plats.

Cette circonstance était bien peu de chose. Elle suffit pour rendre à Lecoq toutes ses espérances, tant l’homme accueille facilement les présomptions qui flattent ses désirs.