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Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/405

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Il riait de la méprise, l’astucieux bonhomme, et même il prenait plaisir à épaissir ses apparences de niaiserie, exagérant cette idée que « celui-là n’est pas véritablement fin qui paraît l’être. »

À la vue des deux policiers, qu’il connaissait bien, l’œil du père Tabaret étincela.

— Bonjours Lecoq, mon garçon, dit-il, bonjour mon vieux Absinthe. On pense donc encore à ce pauvre papa Tirauclair, là-bas, que vous voici chez moi ?

— Nous avons besoin de vos conseils, monsieur Tabaret.

— Ah ! ah !…

— Nous venons de nous laisser « rouler » comme deux enfants par un prévenu.

— Fichtre !… il est donc fort, ce gaillard-là ?…

Lecoq eut un gros soupir.

— Si fort, répondit-il, que si j’étais superstitieux, je dirais que c’est le diable en personne…

La physionomie du bonhomme, prit une comique expression d’envie.

— Quoi !… vous avez trouvé un prévenu malin, dit-il, et vous vous plaignez ! C’est une fière chance, cependant. Voyez-vous, mes enfants, tout dégénère et se rapetisse à notre époque. Les grands scélérats ne sont plus, et il ne nous reste que leur monnaie, un tas de petits aigrefins et de vulgaires filous qui ne valent pas les bottes qu’on use à courir après eux. C’est à dégoûter de faire de la police, parole d’honneur !… Plus de peines, d’émotions, d’anxiétés, de jouissances vives ; plus de ces belles parties de cache-cache comme il s’en jouait jadis entre les malfaiteurs et les agents de la sûreté. Maintenant, quand un crime est commis, le lendemain le cri-