Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/413

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ainsi qu’il lui arrive quand il va tirer de son arsenal un argument victorieux.

— Cela étant, dit-il, fais-moi le plaisir, mon fils, de me dire quel prétexte tu imaginerais pour te récuser sans éveiller des soupçons ?

— Ah ! je ne sais, je ne puis répondre à l’improviste… si j’en étais là, je chercherais, je m’ingénierais…

— Et tu ne trouverais rien qui vaille, interrompit le bonhomme, allons, pas de mauvaise foi, confesse-le… ou plutôt, si… tu trouverais l’expédient de M. d’Escorval et tu l’utiliserais ; tu ferais semblant de te briser quelque membre, seulement, comme tu es un garçon adroit, c’est le bras que tu sacrifierais, ce qui serait moins incommode et ne te condamnerait pas une réclusion de plusieurs mois.

À la physionomie de Lecoq, il était aisé de voir que le vieux volontaire de la rue de Jérusalem l’avait amené au soupçon…

Mais il fallait des assurances plus positives, à cet esprit précis et en quelque sorte mathématique.

Il n’avait pas pour rien aligné des chiffres pendant des années.

— Donc, monsieur Tabaret, fit-il, votre avis est que M. d’Escorval sait à quoi s’en tenir sur la personnalité de Mai ?

Le père Tirauclair se dressa sur son séant, si brusquement que sa goutte oubliée lui arracha un gémissement.

— En doutes-tu ? s’écria-t-il. En douterais-tu véritablement ! Quelles preuves exiges-tu donc ? Estimerais-tu naturelle cette coïncidence de la chute du juge et de la