Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/421

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suivre ce soi-disant Mai pas à pas, comme un vulgaire « fileur ».

Cette fois, Lecoq fut stupéfié.

— Devais-je donc le laisser échapper ?… demanda-t-il.

— Non, mais si j’avais été à côté de toi, sous les galeries de l’Odéon, quand tu as si habilement, — car tu es habile, ô mon fils, — et promptement deviné les intentions du prévenu, je t’aurais dit : « Ce gars-là, ami Lecoq, court chez Mme Milner lui dire de faire savoir son évasion… laissons-le courir. » Et quand il est sorti de l’hôtel de Mariembourg, j’aurais ajouté : « Maintenant, laisse-le aller où il voudra, mais attache-toi à Mme Milner, ne la perds pas de vue, ne la quitte pas plus que l’ombre le corps, car elle te conduira au complice, c’est-à-dire au mot de l’énigme. »

— Et elle m’y eût conduit, oui, je le reconnais…

— Au lieu de cela, cependant, qu’as-tu imaginé ?… Tu as couru te montrer à l’hôtel de Mariembourg, tu as terrifié le garçon ! Quand on a tendu des nasses et qu’on prétend prendre du poisson, on ne bat pas du tambour auprès !…

Ainsi le père Tabaret reprenait l’instruction tout entière, et la suivant pas à pas il la refaisait selon sa méthode d’induction. Lecoq avait eu au début une inspiration magnifique, il avait déployé au cours de l’enquête un génie supérieur, et cependant il n’avait pas réussi. Pourquoi ?… C’est que toujours il s’était écarté du principe admis au commencement et résumé par lui en cet axiome : « Se défier de la vraisemblance. »

Mais le jeune policier n’écoutait que d’une oreille dis-