Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/50

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profonde et sincère, et qui fait, pour ainsi dire, revivre la réalité ?

Le père Absinthe conservait l’ombre d’un doute, mais il entrevoyait un moyen infaillible d’en finir avec ses soupçons.

Il s’empara lestement de la lanterne et courut étudier ces empreintes qu’il avait regardées, qu’il n’avait pas su voir, qui avaient été muettes pour lui, et qui avaient livré leur secret à un autre.

Il dut se rendre. Tout ce que Lecoq avait annoncé, il le retrouva, il reconnut les pas confondus, le cercle des jupons, la lacune des élégantes empreintes.

À son retour, sa contenance seule trahissait une admiration respectueusement ébahie, et c’est avec une nuance très-saisissable de confusion qu’il dit :

— Il ne faut pas en vouloir à un vieux de la vieille, qui est un peu comme saint Thomas… J’ai touché du doigt, et je voudrais bien savoir la suite.

Certes, il s’en fallait que le jeune policier lui en voulût de son incrédulité.

— Ensuite, reprit-il, le complice qui avait entendu venir les fugitives court au-devant d’elles, et il aide la femme au large pied à porter sa compagne. Cette dernière se trouvait décidément mal. Aussitôt le complice retire sa casquette, et s’en sert pour épousseter la neige qui se trouvait sur le madrier. Puis, ne jugeant pas la place assez sèche, il l’essuie du pan de sa redingote.

Ces soins sont-ils pure galanterie ou prévenance habituelle d’un subalterne ? Je me le suis demandé.

Ce qui est positif, c’est que pendant que la femme au petit pied reprenait ses sens, à demi étendue sur ce ma-