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En ces occasions, le père Absinthe plantait sa canne en terre, près de la dernière empreinte relevée, et Lecoq et lui quêtaient et battaient le terrain autour de ce point de repaire, à la façon des limiers en défaut.

C’est alors que la lanterne évoluait si étrangement.

Dix fois, malgré tout, ils eussent perdu la voie ou pris le change, sans les élégantes bottines de la femme au petit pied.

Elles avaient, ces bottines, des talons si hauts, si étroits, si singulièrement échancrés, qu’ils rendaient une méprise impossible. Ils enfonçaient à chaque pas de trois ou quatre centimètres dans la neige ou dans la boue, et leur empreinte révélatrice restait nette comme celle du cachet sur la cire.

C’est grâce à ces talons que les agents reconnurent que les deux fugitives n’avaient pas remonté la rue du Patay, comme on devait s’y attendre. Sans doute elles l’avaient jugée peu sûre et trop éclairée.

Elles l’avaient traversée simplement, un peu au-dessous de la ruelle de la Croix-Rouge, et avaient profité d’un vide entre deux maisons pour se rejeter dans les terrains vagues.

— Décidément, murmura Lecoq, les coquines connaissent le pays.

En effet, elles en savaient si bien la topographie, qu’en quittant la rue du Patay, elles avaient brusquement tourné à droite, pour éviter de vastes tranchées ouvertes par des chercheurs de terre à brique.

Mais leur piste était redevenue on ne peut plus visible, et elle resta telle jusqu’à la rue du Chevaleret.

Là, par exemple, les indices cessèrent brusquement.