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Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/85

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gents de ville, et je les priai de venir m’aider à faire lever ce malheureux. Nous allons à lui, déjà il paraissait endormi, nous le secouons, il se dresse sur son séant, nous lui disons qu’il ne peut rester là…, mais voilà qu’aussitôt il paraît pris d’une colère furieuse, il nous injurie, il nous menace, il essaye de nous frapper… Et ma foi !… nous le conduisons au poste, pour qu’il cuve du moins son vin en sûreté.

— Et vous l’avez enfermé avec le meurtrier ? demanda Lecoq.

— Naturellement… Tu sais bien qu’au poste de la barrière d’Italie il n’y a que deux violons, un pour les hommes, l’autre pour les femmes ; par conséquent…

Le commissaire réfléchissait.

— Ah !… voilà qui est fâcheux, murmura-t-il… et pas de remède.

— Pardon !… il en est un, objecta Gévrol. Je puis envoyer un de mes hommes jusqu’au poste, avec ordre de retenir le faux ivrogne…

D’un geste, le jeune policier osa l’interrompre.

— Peine perdue, prononça-t-il froidement. Si cet individu est le complice, il s’est dégrisé, soyez tranquille, et à cette heure il est loin.

— Alors… que faire ? demanda l’inspecteur de son air le plus ironique. Peut-on connaître l’avis de… monsieur Lecoq ?

— Je pense que le hasard nous offrait une occasion superbe, que nous n’avons pas su la saisir et que le plus court est d’en faire notre deuil et d’attendre qu’elle se représente.

Malgré tout, Gévrol s’entêta à dépêcher un de ses