Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/109

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— Du calme, messieurs, du calme !… Un peu de modération, de grâce !…

— Tous ces gens-ci sont fous, pensait Martial, comprimant à grand’peine une violente envie de rire ; fous à lier !…

Mais il n’eut pas à rendre compte de cette séance, qu’interrompit par bonheur l’annonce du dîner.

Mlle Blanche, quand le jeune marquis de Sairmeuse la rejoignit, ne songeait plus à interroger.

Et dans le fait, que lui importaient les espoirs ou les déceptions de ces personnages !

Elle les tenait en médiocre estime, par cette raison que pas un n’était d’aussi bonne noblesse que M. de Courtomieu, et qu’à eux tous ils étaient à peine aussi riches.

Un souci plus grand, immense, le souci de son avenir et de son bonheur absorbait despotiquement toutes ses facultés.

Pendant les quelques moments où elle était restée seule, après le départ de Marie-Anne, Mlle Blanche avait réfléchi.

L’esprit et la personne de Martial lui plaisaient, elle lui devait les premières émotions fortes de sa vie, il réunissait toutes les conditions que devait souhaiter une ambitieuse… elle décida qu’il serait son mari.

Elle eût eu quelques jours d’irrésolution, vraisemblablement, sans le mouvement de jalousie qui l’avait agitée. Mais, du moment où elle put croire, soupçonner, à tort ou à raison, qu’une autre femme lui disputerait Martial, elle le voulut…

De cet instant, elle ne devait plus, elle ne pouvait plus agir que sous l’inspiration d’un de ces amours étranges où le cœur n’est pour rien, qui se fixent dans la tête et qui, tout en laissant une sorte de sang-froid, peuvent conduire aux pires folies.

Que la femme dont l’ombre d’une réalité n’a jamais fait battre le pouls plus vite lui jette la première pierre.

Qu’elle fût vaincue dans cette lutte qu’elle allait en-