Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/110

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treprendre, si toutefois il y avait lutte, ce dont elle n’était pas sûre, c’est une idée qui ne pouvait venir à Mlle Blanche de Courtomieu.

On lui avait tant dit, tant répété, qu’il s’estimerait heureux entre tous l’homme qu’elle daignerait choisir !

Elle avait vu tant de prétendants assiéger son père !…

— D’ailleurs, pensait-elle en se souriant orgueilleusement dans les glaces du salon, ne suis-je pas aussi jolie que Marie-Anne ?

« — Plus jolie !… murmurait la voix de la vanité ; et tu as, toi, ce que n’a pas cette rivale : la naissance, l’esprit, le génie de la coquetterie !… »

Elle se sentait, en effet, assez d’habileté et de patience pour prendre et soutenir le caractère qui lui semblait le plus propre à éblouir, à fasciner Martial !…

Quant à garder ce caractère, s’il lui déplaisait, après le mariage, c’était une autre affaire !…

Le résultat de ces honnêtes dispositions fut que pendant le dîner Mlle Blanche déploya pour le jeune marquis de Sairmeuse tout son génie.

Elle cherchait si évidemment à lui plaire, que plusieurs convives en furent frappés.

D’une autre, cela eût choqué comme une haute inconvenance. Mais Blanche de Courtomieu pouvait tout se permettre, elle le savait bien. N’était-elle pas la plus riche héritière que l’on sût à dix lieues à la ronde ? Il n’est pas de médisance capable d’entamer le prestige d’une dot d’un million comptant.

— Savez-vous, chevalier, disait à son voisin un vieux vicomte, que ces deux beaux enfants réuniraient à eux deux quelque chose comme sept à huit cent mille livres de rentes.

Martial, lui, s’abandonnait sans défiance au charme de cette situation.

Comment soupçonner de calcul cette jeune fille aux yeux si purs, dont les petits rires avaient la sonorité cristalline du rire de l’enfant !…