Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/117

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— Un désespoir d’amour… répondit-il. M. Lacheneur m’a refusé la main de sa fille que je lui demandais pour mon fils… Maurice a dû voir aujourd’hui Marie-Anne… Que s’est-il passé entre eux ?… je l’ignore, vous voyez le résultat…

La baronne rentrait, les deux hommes se turent, et le silence vraiment funèbre de la chambre ne fut plus troublé que par les plaintes de Maurice.

Son agitation, loin de se calmer, redoublait. Le délire peuplait son cerveau de fantômes, et à tout moment les noms de Marie-Anne, de Martial de Sairmeuse et de Chanlouineau revenaient dans ses phrases, trop incohérentes pour qu’il fût possible de suivre sa pensée.

Ce que cette nuit-là parut longue à M. d’Escorval et à sa femme, ceux-là seuls le savent qui ont compté les secondes d’une minute près du lit d’un malade aimé…

Certes, leur confiance en l’abbé Midon, leur compagnon de veille, était grande ; mais enfin, il n’était pas médecin, tandis que l’autre, celui qu’ils attendaient…

Enfin, comme l’aube faisait pâlir les bougies, on entendit au dehors le galop furieux d’un cheval, et peu après le docteur de Montaignac parut.

Il examina attentivement Maurice, et, après une courte conférence à voix basse avec le prêtre :

— Je n’aperçois aucun danger immédiat, déclara-t-il. Tout ce qu’il y avait à faire a été fait… il faut laisser le mal suivre son cours… je reviendrai.

Il revint en effet le lendemain et aussi les jours d’après, car ce ne fut qu’à la fin de la semaine suivante que Maurice fut déclaré hors de danger.

Ses parents remerciaient Dieu, lui s’affligeait.

— Hélas ! se disait-il, je souffrais moins quand je ne pensais pas.

Ce jour-là même, il raconta à son père toute la scène du bois de la Rèche, dont les moindres détails étaient restés profondément gravés dans sa mémoire. Lorsqu’il eut terminé :

— Tu es bien sûr, lui demanda son père, de la ré-