Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/120

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Entrez !… dit une voix.

Par un trou pratiqué à la vrille, dans la porte, passait une petite ficelle destinée à soulever le loquet intérieur ; le baron tira cette ficelle et entra.

La pièce où il pénétrait était petite, blanchie à la chaux, et n’avait d’autre plancher que le sol, d’autre plafond que le chaume du toit.

Un lit, une table et deux grossiers bancs de bois composaient tout le mobilier.

Assise sur un escabeau, près d’une fenêtre à petits carreaux verdâtres, Marie-Anne travaillait à un ouvrage de broderie.

Elle avait abandonné ses jolies robes de « demoiselle, » et son costume était presque celui des ouvrières de la campagne.

Quand parut M. d’Escorval, elle se leva, et pendant un moment, ils demeurèrent debout, en face l’un de l’autre, silencieux, elle calme en apparence, lui visiblement agité.

Il examinait Marie-Anne, et il la trouvait comme transfigurée. Elle était très-visiblement pâlie et maigrie, mais sa beauté avait une expression étrange et touchante, rayonnement sublime du devoir accompli et de la résignation au sacrifice.

Cependant, songeant à son fils, il s’étonna de voir cette tranquillité.

— Vous ne me demandez pas de nouvelles de Maurice ?… fit-il d’un ton de reproche.

— On m’en a apporté ce matin, monsieur, comme tous les jours. Je n’ai pas vécu tant que j’ai su sa vie en péril. Je sais qu’il va mieux, et que même depuis hier on lui a permis de manger un peu…

— Vous pensiez à lui ?…

Elle frissonna. Des rougeurs fugitives coururent de son cou à son front, mais c’est d’une voix presque assurée qu’elle répondit :

— Maurice sait bien qu’il ne serait pas en mon pouvoir de l’oublier, alors même que je le voudrais…