Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/121

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— Et cependant, vous lui avez dit que vous approuvez le refus de votre père !…

— Je l’ai dit, oui, monsieur le baron, et j’aurai le courage de le répéter.

— Mais vous avez désespéré Maurice, malheureuse enfant ; mais il a failli mourir !…

Elle redressa fièrement la tête, chercha le regard de M. d’Escorval, et quand elle l’eut rencontré :

— Regardez-moi, monsieur, prononça-t-elle. Pensez-vous que je ne souffre pas, moi ?

M. d’Escorval resta un instant abasourdi, mais se remettant, il prit la main de Marie-Anne, et la serrant affectueusement entre les siennes :

— Ainsi, dit-il, Maurice vous aime, vous l’aimez, vous souffrez, il a failli mourir, et vous le repoussez !…

— Il le faut, monsieur.

— Vous le dites, du moins, chère et malheureuse enfant ; vous le dites et vous le croyez. Mais moi qui cherche les raisons de ce sacrifice immense, je ne les découvre pas. Il faut me les avouer, Marie-Anne, il le faut… Qui sait si vous ne vous épouvantez pas de chimères que mon expérience dissiperait d’un souffle ?… N’avez-vous pas confiance en moi, ne suis-je plus votre vieil ami ?… Il se peut que votre père, sous le coup de son désespoir, ait pris quelques résolutions extrêmes… Parlez, nous les combattrons ensemble. Lacheneur sait combien mon amitié lui est dévouée, je lui parlerai, il m’écoutera…

— Je n’ai rien à vous apprendre, monsieur !…

— Quoi !… Vous aurez l’affreux courage de rester inflexible, car c’est un père qui vous prie à genoux, un père qui vous dit : Marie-Anne, vous tenez entre vos mains le bonheur, la vie, la raison de mon fils…

Les larmes, à ces mots, jaillirent des yeux de Marie-Anne, et elle dégagea vivement sa main.

— Ah ! vous êtes cruel, monsieur, s’écria-t-elle, vous êtes sans pitié !… Vous ne voyez donc pas tout ce que