Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/126

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de trop ; il éclaira d’une sinistre lueur l’esprit de M. d’Escorval.

— Grand Dieu !… pensa-t-il, ce malheureux méditerait-il un crime !…

Il regarda Chanlouineau et son inquiétude augmenta. Aux noms du marquis et de Marie-Anne, le robuste gars était devenu blême.

— Il est entendu, disait Lacheneur de l’air le plus satisfait, qu’on me donnera les dix mille francs que m’avait légués Mlle Armande. En outre, j’aurai à fixer le chiffre de l’indemnité qu’on reconnaît me devoir. Et ce n’est pas tout : on m’a offert de gérer Sairmeuse, moyennant de bons appointements… Je serais allé loger avec ma fille au pavillon de garde, que j’ai habité si longtemps… Toutes réflexions faites, j’ai refusé. Après avoir joui longtemps d’une fortune qui ne m’appartenait pas, je veux en amasser une qui sera bien à moi…

— Serait-il indiscret de vous demander ce que vous comptez faire ?…

— Pas le moins du monde… Je m’établis colporteur.

M. d’Escorval n’en pouvait croire ses oreilles.

— Colporteur ?… répéta-t-il.

— Oui, monsieur. Tenez, voici ma balle, là-bas, dans ce coin…

— Mais c’est insensé ! s’écria M. d’Escorval, c’est à peine si les gens qui font ce métier gagnent leur vie de chaque jour !…

— Erreur, monsieur le baron. Mes calculs sont faits, le bénéfice est de trente pour cent. Et notez que nous serons trois à vendre, car je confierai une balle à mon fils et une autre à Chanlouineau, qui feront des tournées de leur côté.

— Quoi !… Chanlouineau…

— Devient mon associé.

— Et ses terres, qui en prendra soin ?

— Il aura des journaliers…

Et là-dessus, voulant sans doute faire entendre à