Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/127

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M. d’Escorval que sa visite avait assez duré, Lacheneur se mit aussi, lui, à arranger les petits paquets qui devaient emplir la balle du marchand ambulant.

Mais le baron ne pouvait s’éloigner ainsi, maintenant surtout que ses soupçons devenaient presque une certitude.

— Il faut que je vous parle !… dit-il brusquement.

M. Lacheneur se retourna.

— C’est que je suis bien occupé, répondit-il avec une visible hésitation.

— Je ne vous demande que cinq minutes. Cependant, si vous ne les avez pas aujourd’hui, je reviendrai demain… après-demain… tous les jours, jusqu’à ce que je puisse me trouver seul avec vous.

Ainsi pressé, Lacheneur comprit qu’il n’éviterait pas cet entretien ; il eut le geste de l’homme qui se résigne, et, s’adressant à son fils et à Chanlouineau :

— Allez donc voir un moment de l’autre côté, si j’y suis… dit-il.

Ils sortirent, et dès que la porte fut refermée :

— Je sais, monsieur le baron, commença-t-il, très-vite, quelles raisons vous amènent. Vous venez me demander encore Marie-Anne… Je sais que mon refus a failli tuer Maurice ; croyez que j’ai cruellement souffert… Mais mon refus n’en reste pas moins définitif, irrévocable. Il n’est pas au monde de puissance capable de me faire revenir sur ma résolution. Ne me demandez pas les motifs de ma décision, je ne vous les dirais pas… croyez qu’ils sont graves…

— Nous ne sommes donc pas vos amis !…

— Vous !… monsieur, s’écria Lacheneur, avec l’accent de la plus vive affection, vous !… Ah ! vous le savez bien, vous êtes les meilleurs, les seuls amis que j’aie ici-bas !… Je serais le dernier et le plus misérable des hommes, si jusqu’à mon dernier soupir je ne gardais le souvenir précieux de vos bontés. Oui, vous êtes mes amis, oui je vous suis dévoué… et c’est pour cela même que je vous réponds ; non, non, jamais !…