Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/151

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sur les sept heures, le fusil sur l’épaule, il passa L’Oiselle pour gagner la maison de M. Lacheneur.

Ayant réfléchi aux conjectures de son père, il les tenait pour des certitudes, et il ne doutait aucunement du succès de sa démarche.

Cependant, en arrivant au bois de la Rèche, il s’arrêta un moment à l’endroit d’où on découvrait la maison. Bien lui en prit, car il vit sortir successivement Jean et Chanlouineau. Ils portaient, l’un et l’autre, une balle de colporteur.

Maintenant, Maurice était sûr que M. Lacheneur et sa fille étaient seuls à la maison.

Il y courut, et sans frapper il entra.

Dans la première pièce, Marie-Anne et son père étaient accroupis devant la cheminée où flambait un grand feu…

Au bruit de la porte, ils s’étaient retournés ; à la vue de Maurice, ils se dressèrent aussi rouges et aussi émus l’un que l’autre.

— Que venez-vous faire ici ?… s’écrièrent-ils en même temps.

En toute autre circonstance, Maurice d’Escorval eût été bouleversé par cet accueil ouvertement hostile.

En ce moment, non-seulement il n’en fut pas troublé, mais c’est à peine s’il le remarqua.

— C’est trop d’obstination que de revenir ici contre ma volonté et après ce que je vous ai dit, monsieur d’Escorval, reprit Lacheneur d’une voix rude.

Maurice sourit. Il avait la plénitude de son sang-froid, et même quelque chose de plus, l’étrange lucidité des grandes crises.

D’un seul regard, il avait saisi tous les détails de la pièce où il pénétrait, et s’il eût conservé un doute, il se fut envolé.

Il avait bien vu, sur le feu, une grande marmite pleine de plomb en fusion, et deux moules à balles près des chenets.

— Si j’ose me présenter chez vous, monsieur, pro-