Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/156

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— Restez sur vos gardes, vous dis-je…

Il rougit extrêmement, le malheureux homme, et ajouta :

— Ah ! c’est pour un père un pénible aveu : je n’ai pas confiance en mon fils. Il ne sait de mes projets que ce que je lui en ai dit le jour de son arrivée… Maintenant, je le trompe comme s’il devait trahir… Peut-être serait-il sage de l’éloigner ; mais que penserait-on ? Sans doute on dirait que je suis bien avare du sang des miens, quand je risque froidement la vie de tant de braves gens. Après cela, je m’abuse peut-être…

Il soupira et dit encore :

— Défiez-vous !…

XIX


Ainsi, c’était bien Maurice d’Escorval que le marquis de Sairmeuse avait surpris s’échappant de la maison de M. Lacheneur.

Martial n’avait aucune certitude, il se pouvait que l’obscurité l’eût trompé, mais le doute seul suffisait à gonfler son cœur de colère.

— Quel personnage fais-je donc ! s’écriait-il. Un personnage ridicule, assurément.

Si épais était le bandeau noué sur ses yeux par la passion, qu’il n’apercevait rien des circonstances les plus frappantes.

L’amitié cérémonieuse de Lacheneur, il la tenait pour sincère. Il croyait aux respects étudiés de Jean. Les empressements presque serviles de Chanlouineau ne l’étonnaient pas.

Enfin, de ce que Marie-Anne le recevait sans colère,