Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/165

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t-il… Ah ! la fille à Lacheneur est une fière enjôleuse, tous ses galants en sont, Chanlouineau, le petit d’Escorval, le fils de Monseigneur et les autres…

M. de Sairmeuse commençait à vomir un torrent d’injures contre Marie-Anne quand son valet de chambre rentra…

Il se tut, endossa son uniforme, ordonna à Chupin de le suivre et s’élança dehors.

Il espérait encore que Chupin exagérait, mais quand il arriva sur la place d’Armes, d’où on découvrait une grande étendue de pays, ses dernières illusions s’envolèrent.

L’horizon flamboyait. Montaignac était comme entouré d’un cercle de flammes.

— C’est le signal !… murmura le vieux maraudeur, c’est l’ordre de se mettre en route pour la noce, comme ils disent dans la lettre. Ils seront aux portes de la ville vers deux heures du matin…

Le duc ne répondit pas. Il ne lui restait plus qu’à se concerter avec M. de Courtomieu.

Il se dirigeait à grands pas vers la maison du marquis, lorsqu’en tournant court la rue de la Citadelle, il distingua sous une porte deux hommes qui causaient, et qui, à la vue de ses épaulettes brillant dans la nuit, prirent la fuite…

Instinctivement il s’élança à leur poursuite et en atteignit un qu’il saisit au collet.

— Qui es-tu ?… interrogea-t-il ; ton nom ?

Et l’homme se taisant, il le secoua si rudement que deux pistolets qu’il tenait cachés sous sa redingote tombèrent à terre.

— Ah ! brigand !… s’écria M. de Sairmeuse, tu conspires !…

Aussitôt, sans un mot, il traîna cet homme au poste de la Citadelle, le jeta aux soldats stupéfiés et se précipita chez M. de Courtomieu.

Il pensait terrifier le marquis. Point. Lui avait été bouleversé, son ami sembla ravi.