Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/170

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toutes leurs espérances… Sa beauté avait quelque chose de fulgurant, les éclairs de ses yeux faisaient pâlir les flammes de l’incendie… Ah ! c’est vraiment à cette heure, qu’elle méritait ce nom d’ange de l’insurrection que lui avait donné Martial.

— Non !… il n’y a plus à hésiter, reprit-elle, ni à réfléchir… C’est la prudence maintenant qui serait folie… C’est en arrière qu’est le plus grand danger. Laissez passer mon père, messieurs, chaque minute que vous nous faites perdre coûte peut-être la vie d’un homme… et nous, mes amis, en avant !

Une immense acclamation lui répondit et la petite troupe s’élança à travers la lande.

Il n’y avait plus à lutter. M. d’Escorval était consterné, mais il ne pouvait laisser s’éloigner ainsi son fils qu’il apercevait dans les rangs.

— Maurice !… cria-t-il.

Le jeune homme hésita, mais enfin s’approcha…

— Vous ne suivrez pas ces fous, Maurice, dit le baron.

— Il faut que je les suive, mon père…

— Je vous le défends.

— Hélas ! mon père, je ne puis vous obéir… je suis engagé… j’ai juré… je commande après Lacheneur…

Sa voix était triste ; mais elle annonçait une inébranlable détermination.

— Mon fils !… reprit M. d’Escorval, malheureux enfant !… C’est à la mort que tu marches… à une mort certaine.

— Raison de plus pour ne pas manquer à ma parole, mon père…

— Et ta mère, Maurice, ta mère que tu oublies !…

Une larme brilla dans les yeux du jeune homme.

— Ma mère, répondit-il, aimera mieux pleurer son fils mort, que le garder près d’elle, déshonoré, flétri des noms de lâche et de traître… Adieu, mon père !

M. d’Escorval était digne de comprendre la conduite de Maurice. Il étendit les bras et serra sur son cœur ce